5 bonnes raisons de créer une bibliothèque dans son entreprise

Ou comment nourrir une culture commune autrement

Je dois l’admettre, j’ai une passion pour les bibliothèques, les librairies et même les toutes petites caisses à livres qu’on croise parfois au détour d’une rue. J’adore voir des livres qui se rassemblent pour faire corps et insuffler leur magie à ceux qui passent devant eux.

La découverte du blog The Archivists a été une vraie source de joie il y a quelques années. Grâce à lui, j’ai enfin pu me glisser dans les bibliothèques des uns et des autres en toute indiscrétion et écouter les histoires de leurs propriétaires. Ces lieux-objets ont en commun d’avoir été pensés avec soin, cœur et intelligence pour nourrir leur créateur au quotidien dans leur évolution.

En lisant leurs récits, j’ai commencé à me demander pourquoi ce type d’espaces était si peu présent en entreprise et ce que ça donnerait si vous qui me lisez avez l’élan d’offrir ça à votre collectif.

J’ai creusé le sujet ce mois-ci pour vous partager cinq bonnes raisons qui, à mon sens, vaudraient la peine de vous retrousser les manches pour créer une bibliothèque au sein de votre structure.

1. Nourrir une histoire et une vision commune

Si votre bibliothèque personnelle se trouve à proximité : prenez un moment pour regarder les livres posés sur les étagères. Comment sont-ils arrivés là ? Que vous inspirent-ils ? Entre les livres que vous gardez en mémoire de vos recherches passionnées, ceux qui vous ont été offerts par cet ami qui ne vous comprend plus trop ou ceux que vous avez tenté de lire sans jamais dépasser l’introduction… Cette bibliothèque est le reflet de votre histoire et de vos désirs.

De la même manière, une bibliothèque partagée tisse un récit collectif dans lequel chaque membre peut trouver sa place. Le choix des livres et leur organisation murmurent quelque chose sur qui vous êtes et sur qui vous souhaiteriez devenir ensemble… que disent-ils ?

Votre bibliothèque peut être une boussole pour vous rappeler de là où vous venez et pour reconsidérer là où vous souhaiteriez aller ensemble. Que vous ayez lu chaque livre ou seulement le quart d’entre eux, leur simple présence agit comme un miroir de ce qui vous attire, vous rebute et vous met en joie.

C’est ce que décrit avec humour et poésie l’auteur et illustrateur Grant Snider dans son album I will judge you by your bookshelf dont je vous glisse un extrait ci-dessous. Il est rejoint dans cette idée par l’essayiste Chris Laquieze qui partage dans l’un de ses derniers posts :

Je vous laisse imaginer ce que ça pourrait donner à l’échelle d’un collectif !

Loin d’imposer une voix unique, une bibliothèque partagée crée un terrain d’expression commun d’où peut émerger une vision commune fructueuse.

2. Soutenir une culture d’apprentissage et de partage

Lorsque je rentre dans une librairie, je suis toujours curieuse de lire les mots de recommandations laissés par les libraires sur les livres qu’ils ont lu. À l’heure où l'apprentissage entre pairs fait grand bruit, les livres ont toute leur place pour nourrir un partage plus discret mais non moins présent.

Parce que c’est aussi ça une bibliothèque collective : partager ce qui vous a touché, vous a permis de faire un pas de côté, d’évoluer. La forme peut s’adapter à la personnalité et aux envies de chacun : un message de recommandation, un temps de débat à la pause, des sessions d’arpentage autour d’une thématique commune… Qu’importe le sujet, le livre est avant tout un moyen de se comprendre et d’apprendre.

Il devient particulièrement judicieux lorsque l’on travaille dans des milieux où les écarts d’âges et d’activités sont importants et qu’on ne sait pas trop comment se relier les uns aux autres. Ces initiations croisées créent des ponts entre les générations et les domaines d’activités. C’est ce que relate l’auteur de bandes dessinées Etienne Davodeau dans Les Ignorants… que bien sûr, je vous le recommande !

3. Développer une démarche créative

Il m’arrive très souvent de piocher un livre au hasard dans ma bibliothèque lorsque je suis en panne d’inspiration. J’ouvre le livre sans regarder et j’essaie de créer des ponts avec la nouvelle information qui m’arrive pour envisager les choses autrement.

Ce processus d’association (ou plutôt de bissociation comme l’a théorisé Arthur Koestler) est un levier précieux dans les démarches créatives, quel que soit leur domaine d’application. Il peut vous inspirer à aller vers des thèmes sur lesquels vous ne seriez pas allés spontanément, à imaginer de nouveaux chemins dans vos activités, ou dit autrement, à être plus créatifs.

Avec l'habitude, on peut insérer à dessein des livres out of the box dans sa bibliothèque pour s’auto-inspirer des choses qui nous sont globalement étrangères. Le résultat vous amènera bien au-delà de ce que vous auriez pu imaginer si vous pratiquez cet exercice de sérendipité dans une bibliothèque qui n’est pas la vôtre ou avec des livres glissés par vos collègues.

C’est une des choses qui semble relativement risquée avec les modèles de langage d’intelligence artificielle aujourd’hui : nous sommes principalement orientés vers ce qui nous correspond et cette complaisance est un risque important pour notre potentiel créatif et le développement de notre propre intelligence.

Mieux vaut alors se laisser inspirer par d’autres !

4. Offrir un sas de décompression

Au-delà de traiter de sujets purement professionnels, la bibliothèque peut aussi être un lieu d’accueil des émotions de chacun. Cela fait pas mal d’années maintenant que la bibliothérapie se développe ici et là pour permettre à ceux qui le souhaitent de soigner les maux par les mots. L’idée n’est pas ici de remplacer la richesse de l’échange humain par du papier, mais peut-être déjà de planter quelques graines qui germeront par la suite.

La santé mentale reste un enjeu important en entreprise et les leviers pour y parvenir, pas toujours évident. Le manque de temps et la gêne liés à certains sujets peuvent vous empêcher de prévenir efficacement les surtensions et les baisses de moral, qu’elles soient liées à votre contexte professionnel ou non. Les livres ont le potentiel de mener une partie de ce job de sensibilisation pour vous sans pour autant s’imposer.

Si cette démarche vous appelle, inspirez vous de lieux comme la Pharmakeia à Marseille pour comprendre comment allier santé mentale et livres… une pépite !

5. Revaloriser les espaces de travail physiques

Last but not least, le télétravail a conduit à une désertion des entreprises physiques qu’il est nécessaire de repenser pour qu'elles servent encore à quelque chose en 2035.

Après tout, pourquoi allez-vous venir dans les locaux de votre entreprise si vous pouvez faire le même travail sans bouger de chez vous et que de toute façon, vos journées vous laissent à peine le temps de parler à vos collègues (quand ils sont là eux aussi) ?

C’est cette réflexion qu’a mené l’entreprise UEM à Metz. Le fournisseur d'électricité et de gaz a fini par installer plusieurs espaces bibliothèques afin de réengager ses salariés dans l’entreprise physique et de créer des ponts culturels entre des personnes aux métiers très différents.

Je vous laisse découvrir leurs retours en images :

Tout le monde n’a pas vocation à créer des espaces bibliothèques aussi grands, certes ! L’essentiel est déjà de vous lancer et d’apporter du soin à la démarche : en imaginant l’impact que vous aimeriez susciter auprès de vos pairs, en communiquant sur votre initiative pour que d’autres vous rejoignent, en demandant à chacun ce qu’il aimerait y mettre de lui et y trouver des autres.

Tout commence par un livre et par votre désir de créer des espaces qui ouvrent vers de nouveaux possibles.